Attentats de Marrakech : à qui profite le crime ?
La Place Djemaa-el Fna, c’est comme Times Square pour New York, la place Rouge pour Moscou : une place où l’on comprend ce qui fait l’âme, en partie, d’un pays. L’attaque d’hier, qui a fait au minimum 16 morts, en pleine centre de Marrakech, avait un seul objectif : faire peur. Qui sont les coupables ? Ce sera probablement difficile à déterminer, mais les premières pistes (compte tenu notamment du mode opératoire et des témoignages) accréditent la thèse du terrorisme islamiste. Groupuscule local ou attentat téléguidé par Al-Qaïda ? Là est toute la préoccupation des dirigeants marocains.
Car si la fameuse AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) venait à revendiquer cet attentat, elle que l’on pensait « cloitrée » dans le désert saharien, ce serait une preuve de plus de l’empreinte qu’a le groupe sur toute l’Afrique de l’Ouest. Eclipsés depuis des mois par les révoltes arabes (auxquelles ils ne participent guère), les groupes terroristes du Grand Moyen-Orient peuvent avoir profité de ces vagues sans précédent pour refaire parler d’eux.
Reste que la préoccupation majeure du roi Mohamed VI demeure la mise en place de sa « réforme constitutionnelle », promise il y a déjà bien longtemps et toujours critiquée par le peuple marocain. Elle devait réduire les pouvoirs du roi (par exemple il ne pourra plus choisir son Premier Ministre) pour les transférer, en partie, au parlement. Certains pointent déjà du doigt les services de sécurité du roi, accusés d’avoir délibérément laissé survivre une cellule terroriste apte à planifier un attentat, pour laisser ensuite le régime reprendre la main sur le pays, de manière violente et peu démocratique, comme ce fut le cas après les derniers attentats à Casablanca en 2003.A l’époque, le roi avait appelé à l’unité nationale face au terrorisme, et en a profité pour renforcer sa légitimité et justifier le retour de la répression.
Mais cela n’est pour le moment que pure spéculation. Aucun groupe n’a pour l’instant revendiqué ce qui s’apparente à un attentat. Un attentat comme celui-là peut certes toucher l’industrie touristique du pays, deuxième source de revenus du pays après l’agriculture (20% du PIB). Mais certainement pas la bouleverser ou l’ébranler à jamais. Les récents exemples tunisien et égyptien sont là pour le montrer.